Chi Nei Tsang ( Qi Nei Zang ) |
L'émotion au bout des doigts Le Chi Nei Tsang est un massage direct des organes internes à travers l'abdomen développé par Mantak Chia rendu célèbre dans le monde grâce à ses ouvrages. Gilles Marin, expert de renommée internationale, a élargi la méthode par une approche plus attentive à l'écoute du ressenti et des émotions comme facteur de guérison et de changement. Il nous partage son art, et sa vision de la santé.Propos recueillis par Delphine L'huillier & Pol Charoy - Génération TAO |
GTao : Votre approche du Chi Nei Tsang est tout à fait spécifique. Vous pouvez nous en parler?Gilles Marin : J'ai souhaité intégrer à ma pratique une dimension émotionnelle qui va bien au-delà de l'analyse psychologique puisque c'est une approche très pratique et physique. Dans la perspective holistique, les symptômes sont des réactions saines à des situations qui ne le sont pas. Il faut seulement aider les personnes à retrouver par elles-mêmes le chemin de la guérison.GTao : Comment?G. M. : Quelque part chez chacun d'entre nous, quelque chose sait quelle est la bonne direction à prendre dans sa vie. C'est ce que j'appelle « l'esprit », mais celui-ci est recouvert par le « rationnel » qui marchande, pèse et mesure. Les émotions ainsi se cachent, et, en étant dissimulées, pas écoutées, non exprimées, elles deviennent des charges énergétiques très puissantes qui génèrent des maladies. La pratique du Chi NeiTsang permet aux personnes à moins penser pour ressentir davantage en répondant aux raisons pour lesquelles leur corps a été mené à la souffrance.GTao : En agissant sur le ventre qui, pour les Taoïstes, est le siège des émotions.G. M. : En effet, le Chi Nei Tsang agit principalement sur le 1er dan tian, la région de l'abdomen, où pour les taoïstes naît l'énergie et l'information, le qi, à l'origine de la vie. Pour comprendre cela, il faut revenir au fœtus et à la création de l'être. Quand un oeuf est fécondé, il s'attache à l'utérus par le nombril, et commence alors à croître et à se multiplier. C'est de ce centre que partent les fascias dans lesquels circulent les méridiens. En agissant sur le nombril, il est donc possible d'atteindre toutes les parties du corps et toute la personne.GTao : Comment une séance de Chi Nei Tsang se déroule-t-elle? G. M. : C'est une écoute qui permet à celui qui reçoit le soin de faire des connexions de manière interne, c'est-à-dire qui l'amène à trouver la relation qui existe entre les différentes parties du corps qui expriment leur malaise de manière chronique. Par exemple, si une personne arrive avec un mal de tête, une douleur au genou et un problème de digestion, le soin consiste à connecter toutes les parties ensemble, et à laisser venir la guérison à partir de l'intérieur. On signifie par là que l'on a entendu le message que le corps a envoyé. Car le corps pleure et demande du secours.GTao : Et s'il n'y a pas de symptômes?G. M. : Le corps commence à parler bien avant qu'apparaissent des symptômes. Et si l'on agit dès ce moment-là, le corps alors n'a pas besoin de crier. Vous savez, avoir un petit problème de santé est une bénédiction. Cela vous permet d'apprendre à s'écouter et à savoir ce qui est bon pour soi.GTao : Il faut savoir aller au-delà de la douleur.G. M. : La douleur n'est pas mécanique, c'est une interprétation mentale. Il y a souvent douleur là où il n'y a pas de lésion, et il y a lésion là où il n'y a pas de douleur.GTao : Poursuivez-vous un objectif particulier dans votre pratique ?G. M. : Le but est d'apporter la santé, la guérison. Mais pour moi, la guérison n'est pas quelque chose dont on a besoin seulement quand on est malade. Elle nous permet d'évoluer pour avoir plus de joie, nous faire grandir et devenir plus humain.GTao : La maladie devient ici facteur de changement.G. M. : C'est la base du Yi Jing qui est la base du Tao. Il faut changer avec la vie.GTao : Et d'un point de vue technique, comment se pratique le Chi Nei Tsang ?G. M. : C'est vraiment l'application du Qi Gong dans le corps. Ses principes sont basés sur l'écoute et la découverte de moyens pour favoriser une circulation d'énergie optimale. Cela demande de la décontraction, de l'ouverture, et une bonne respiration des organes. La respiration est le pont qui connecte les sensations émotionnelles et physiques pour relier ces espaces dont on essaie de s'échapper.GTao : Son rôle est donc essentiel.G. M. : Le mouvement du souffle dans le corps est donné par le diaphragme. Quand le diaphragme s'ouvre et s'aplatit, il établit un mouvement qui régénère. Quand nous inspirons, les poumons se remplissent et ouvrent l'ensemble du corps. Quand nous expirons, le diaphragme descend et masse tous les organes. Mais personne ne respire idéalement et de la même manière. Parce que nous respirons comme nous nous sentons émotionnellement, en évitant de respirer en certains endroits où nous cachons les charges émotionnelles pour éviter de les ressentir.GTao : Autrement dit, les émotions ont un impact direct et immédiat sur ta structure respiratoire.G. M. : Oui, et de cause à effet sur la démarche ! Car le diaphragme étant relié aux lombaires et à l'ilio-psoas, il agit sur notre manière de bouger. A savoir que la verticalité pour l'humain est ce qu'il y a de plus fonctionnel et de plus économique. Mais comme il existe rarement de respiration idéale, celle-ci étant entravée par nos charges émotionnelles, il existe rarement un équilibre structurel. Le Chi Nei Tsang agit sur le structurel, le métabolique et l'émotionnel pour que la personne puisse s'écouter, prendre conscience de la situation, ce qui lui permettrait d'évoluer au-delà de son problème somato-psychologique.GTao : S'il y a « charge » émotionnelle, y a-t-il « décharge » émotionnelle ?G. M. : Bien sûr. Et cela surprend parfois les personnes qui souhaitaient apaiser des douleurs physiques et se rendent compte finalement qu'elles ont mal à l'âme. Leur émotionnel a été caché dans des pensées rationnelles comme : « Je souffre parce que j'ai eu un accident, j'ai fait des excès »... Aussi quand elles arrivent à se connecter à la raison émotionnelle de leur problème, des réactions peuvent s'enclencher, parfois de manière très spectaculaire, mais souvent aussi, certaines personnes s'endorment !GTao : Comment expliquez-vous ce phénomène ?G. M. : C'est par le sommeil que l'on trouve le rêve. Et le rêve est pour moi le seul endroit où l'on puisse être à 100 % émotionnel. C'est pourquoi je crois que la guérison se passe dans le rêve. En fait, nous rêvons tout le temps, même éveillés. Car c'est notre connexion avec l'abstrait, le symbolique qui est important pour notre corps émotionnel qui n'est pas rationnel. Tout pour lui se déroule dans le présent. Or lorsque nous réfléchissons réfléchit, nous ne sommes pas dans l'instant, et c'est de cette manière que nous échappons à la souffrance.GTao : Et que fait-on de ces émotions quand elles se manifestent ?G. M. : L'important est de se connecter avec elles. Parce qu'elles doivent être avant tout reconnues et validées, puis accompagnées. L'art du Chi Nei Tsang est d'établir cette connexion avec le plus de gentillesse et de soutien possible pour éviter de trop fortes réactions. Car la catharsis émotionnelle est plus une réaction qu'une résolution. Parfois la personne ressent seulement une légère vague de chaleur, une grosse larme coule sur sa joue, sans parfois comprendre pourquoi.GTao : En somme, vous rééquilibrez les énergies émotionnelles pour que la personne soit plus juste et spontanée dans ses actes.G. M. : C'est une vision un peu rationnelle, parce que l'équilibre n'est pas la santé. La santé, c'est au contraire le mouvement. Une émotion est dite « négative », comme nous pourrions le dire d'une batterie faible. Ce qui signifie, selon la loi de correspondances des 5 éléments, que si nos reins sont faibles, on ne peut pas s'empêcher d'avoir peur. Si notre foie est congestionné, on devient agressif. Et c'est normal puisque c'est une loi énergétique de cause à effet. On ne peut pas reprocher à quelqu'un qui est intoxiqué d'être méchant. La seule solution est donc de le soigner. Oui, en rééquilibrant son foie. Oui, en remettant du positif dans le négatif. C'est ça l'alchimie interne. Parce que toutes nos émotions sont saines en elles-mêmes, nous en avons besoin pour vivre.GTao : Comment l'alchimie a-t-elle lieu ?G. M. : La détente doit venir de l'intérieur. Mais le processus peut être long parce qu'il nécessite que la personne arrive à un niveau de maturité et de conscience qui lui fasse se dire qu'elle n'a plus besoin de cette tension. Mais une fois que ces conditions sont établies, la guérison est immédiate. J'aime dire que ce n'est pas l'organe que l'on soigne mais la personne dans l'organe. Et pour le praticien, plus il connaît l'anatomie, la façon dont le corps réagit, plus il a d'intuition et de réponses qui lui permettront de traduire ce que le corps essaie d'exprimer.GTao : Quand un noeud émotionnel se Libère, comment l'accompagnez-vous ?G. M. : La libération vient avec la digestion. C'est un processus physiologique par lequel la charge émotionnelle se libère. Au niveau interne, une partie est éliminée et une autre intégrée. La partie éliminée est généralement la plus désagréable, elle passe par le gros intestin. Ce qui me fait dire que le gros intestin est l'organe de la conscience émotionnelle. Et c'est à cet endroit que parfois les blocages se manifestent comme par exemple la constipation. Nous enfermons quelque chose que nous ne voulons pas que les autres voient. Et des réflexions qui ne sont pas rationnelles commencent à se dire : « Ca sent mauvais, c'est pas beau... », parce qu'il s'y loge des appréciations d'ordre émotionnel. Nous nous protégeons de ressentir vraiment. GTao : Pensez-vous comme les naturopathes que si la « barrière des intestins » n'est pas solide, il y a le risque d'une intoxication ?G. M. : Absolument. Et c'est pourquoi le rôle du Chi Nei Tsang est de renforcer les tissus et de désintoxiquer pour que le corps soit plus fort, et puisse notamment digérer les charges émotionnelles. L'une des stratégies les plus communes pour ne pas guérir, est d'être faible. Si je suis suffisamment faible, je n'aurai pas à souffrir de guérir.GTao : La personne qui reçoit le soin a-t-elle besoin de verbaliser le processus qu'elle est en train de vivre ?G. M. : Je ne souhaite pas que les personnes réfléchissent excessivement, pour qu'elles puissent mettre plus d'énergie dans leur ressenti. Cela dit, si les personnes ne savent pas ce qui se passe, elles ne se sentent pas en sécurité et commencent à ruminer. Je leur explique donc ce que je vais faire et ce qui peut se passer. Ce qui les aide à se décontracter. Et puis certaines personnes ont besoin de mettre des mots sur ce qu'elles ont traversé et d'autres pas. Tout le monde réagit différemment. D'un jour à l'autre, avec une même personne, les réponses peuvent varier. Certaines histoires ont besoin d'être racontées pour être validées, mais ce n'est pas là l'essentiel qui réside dans les sensations et le ressenti qui sont liés à ce vécu. Celui-ci permet au corps de découvrir une charge émotionnelle préalablement cachée et donc désirée, et de réintégrer cette partie du corps et sa fonction plutôt que de l'aliéner.GTao : Comment votre pratique a-t-elle évolué jusqu'à aujourd'hui ?G. M. : Quand j'ai commencé il y a 20 ans, je « réparais » les personnes. J'ai appris des formules. Avec Mantak Chia, j'ai eu une approche très directe, très yang. Avec le temps, je me suis adouci et j'espère m'adoucir encore davantage.Pol Charoy : Un de mes maîtres chinois m'avait dit : «Si tu pratiques bien, tu deviendras plus sensible. Si tu deviens plus sensible, tu pourras moins facilement travailler, si ce n'est en réalisant quelque chose qui te plaît.»G. M. : Ca, c'est guérir. |